lundi 12 mai 2008

Mon mois de Mai 68


Mon permis de conduire, obtenu au Havre le 22 Mai 68

c'était l'année de mes 20 ans et je travaillais depuis presque un an déjà.
Finies les études et les illusions d'ingénieur, il avait bien fallu que je m'arrête après mon brevet de technicien,à force de me faire traiter de "propre à rien" par mon père parce que je ne "rapportais rien" et que c'était une honte de me voir tout le temps rêver dans les bouquins.
Il faut dire que j'avais tout lu Sartre, Dostoievski, Hemingway, Miller et que j'attaquais Camus.
Des trucs inutiles pour bosser et gagner sa croute ainsi que celle de sa famille.
Avant Mai 68, pour des gosses d'ouvriers, le "brevet" c'était déjà beaucoup et le "certif" était toujours la référence, alors un brevet de technicien , niveau bac, personne n'aurait imaginé que j'aille au-delà.
Sans autre relation que ma tronche de premier de la classe, j'avais été recruté par un "margoulin" qui me louait à la CFR (Total) au Havre comme technicien.
Je touchais 800f par mois et j'avais investi dans un vélosolex contre l'avis de mes parents (la majorité était à 21ans).
Côté travail c'était pénible, pas le droit d'utiliser ni les toilettes , ni la cantine des ouvriers de la CFR, ces messieurs ne se mélangeaient pas avec les intérimaires. J'ai même été muté 3 mois dans le coin le plus sale de la raffinerie parce que je portais une blouse blanche(comme au lycée).
On vivait sous la domination de petits contremaîtres corrompus qui faisaient leur propre business, surtout avec les sous traitants.
Ma chance, connaître l'anglais et l'électronique, ce qui n'était pas le cas de la plupart de ces messieurs, ça rendait l'esclavage moins pénible.
En Mai quand la raffinerie s'est mise en grève, on ne pouvait plus aller bosser, mais la mafia des contremaîtres avait été remplacée par la mafia de la CGT et pour nous ça ne changeait pas grand chose.
Si quand même, le matin je participais à des manifs très pacifiques et l'après midi j'allais dans la forêt de Montgeon lire Camus. Puis j'ai commencé à faire du stop, à parler avec les autres, c'était surtout cette communication tous azimuts qui était nouvelle pour moi.
J'étais aussi secouriste- un reste du lycée- Au Havre ce milieu là était beaucoup fréquenté par d'anciens résistants et l'un d'eux m'a dit: " pourquoi tu ne vas pas voir Le Général si tu veux je te prends un rendez-vous" , quel Général !!!
C'était plutôt le genre Bigeard et un soir de fin Mai je me suis retrouvé dans son salon, sans trop savoir ce que je faisais là.
D'emblée il m'a dit: " Petit, que veux tu faire de ta vie, je peux t'aider"
Alors moi je lui dis que j'aimerais bien travailler dans la recherche spatiale et reprendre des études de physique, au LRBA de Vernon par exemple.
Lui me répond: "pas de problème, je m'en occupe". J'ai cru qu'il se foutait de ma gueule, et deux semaines plus tard j'étais convoqué au LRBA pour un entretien.
J'ai été embauché avec un CDI en Août 68 et j'y suis resté 5 ans. J'ai participé au programme de la fusée Diamant, aux prémisses de l' Ariane et j'ai démissionné en 73 quand j'ai du travailler sur un programme directement lié à la force de frappe nucléaire.
Je suis parti dans la recherche civile en doublant mon salaire. j'étais devenu un spécialiste, je savais presque tout sur trois fois rien.
C'est au LRBA après Mai 68 que j'ai connu les Maoïstes, les Troskistes, les vrais de la CGT et du PC, j'ai souvent été leur confident sans m'engager dans les actions dures et ils ont fortement marqué ma "formation politique de fils d'ouvrier qui s'en est sorti".
Peut être ?





2 commentaires:

Anonyme a dit…

Trop bien, on en apprend des choses sur ta vie. vivement les prochains épisodes de ta chronique, mai ou pas, 68 ou une autre année. Bise. Sophie

caroline hazard a dit…

moi aussi je suis contente de lire ça, je savais des petits bouts / hey tu as démissionné de chez les uniformes quand je suis née ! (c'est parce que je suis un genre de colombe de la paix moi, papa)